La Voie est sous vos pieds

La Voie du milieu
La Voie du milieu

Par Pascal-Olivier Kyōsei Reynaud

Ce n’est pas parce que le sage est plus heureux que nous qu’il aime la vie davantage.
C’est parce qu’il l’aime davantage qu’il est plus heureux.

André Comte-Sponville

À chaque instant installez vous dans la présence à ce qui est.
L’immédiate présence au corps et à la respiration, à l’état d’être dans son entièreté.

La méditation se réalise libre de toute intention de faire, d’obtenir, de réaliser quoi que se soit. Lorsque l’on est assis, l’état d’être assis se révèle à lui-même. Il n’y a rien à faire, rien à vouloir, rien a rejeter.

Tozan - peinture de Reikai Vendetti (Jean-Claude Gaumer)
Tozan – peinture de Reikai Vendetti (Jean-Claude Gaumer)

Vous avez certainement déjà entendu ou lu cette petite phrase : « La Voie est sous vos pieds ».
C’est une petite phrase toute simple qui nous parle car elle est porteuse de vérité.

Elle vient nous rappeler que la Voie et sa pratique nous sont aussi intime que notre propre corps.

Mais, qu’est-ce que la Voie ?

La Voie est exactement ce que nous sommes, ce qui se vit à chaque instant.

Ce qu’il faut comprendre c’est que la Voie n’existe pas en dehors de la totalité de notre vie telle qu’elle est.

Cela signifie qu’il n’y a pas une Voie extérieur à nous, qui préexisterait et qu’il suffirait de suivre. La voie est créée à chaque instant dans ce que nous sommes, dans notre manière d’être, sans séparation.

La pratique n’est pas un moyen pour atteindre l’éveil qui serait situé en dehors de soi.

Ce que nous sommes, notre manière d’être, nous le savons directement, non pas en tant que savoir intellectuel, par la pensée, mais intimement, par l’expérience directe. En le ressentant, en le vivant, en s’abandonnant à la vie telle qu’elle est.

Un pas vers la libération

Chacun réalise qu’il y a une manière d’être qui est l’expression, la manifestation de la Voie et une manière d’être qui est l’expression de nos attachements, de nos croyances.

Mais voir les chose de cette façon, n’est pas encore la vision libératrice. Après avoir atteint le sommet du mât de cent pieds, il nous est demandé de faire un pas de plus. C’est l’au-delà de toute dualité, la Voie sans objectif, la Voie sans Voie, la pratique sans pratique qui doit se réaliser.

Il y a la Voie qui se pratique, qui se réalise et qui se manifeste et il y a la Voie au-delà de tout ce qui peut se concevoir. C’est la vie au-delà de l’éveil et de l’illusion, au-delà de la liberté et de l’attachement. C’est cette Voie ou cette vie qui est véritable liberté.

Alors, maintenant pour chacun d’entre nous, que signifie cette petite phrase « La Voie est sous nos pieds » ?

Que signifie pratiquer la Voie ?
Qu’est-ce que être libre ?

A une autre époque, Maître Joshu eu ce dialogue avec un moine dans lequel il exprima cette dimension :

  • « As-tu fini ton repas ? »,
  • « oui »,
  • « Alors vas laver ton bol ».

Voici un poème d’un maître chinois de l’école Chan, Maître Wumen Huikai, en japonais, Mumon Ekai :

« Ceux qui cherchent la voie ne réalisent pas leur vraie nature,
Ils ont encore affaire à la conscience relative
Là se trouve la raison de la vie et mort pendant des kalpas illimités
Le sot prend ça pour l’être authentique. »
1

Un pas plus loin

Je pense que l’autre versant de la phrase “La Voie est sous nos pieds”, c’est cette question : “Qu’est ce que l’être humain possède véritablement ?”.

Ni ce corps, ni cette conscience, aucun objet, aucun être, même pas le temps, ni l’espace.

Lorsque cela se réalise et s’exprime, alors il y a manifestation de la réalité de l’existence renouvelée à chaque instant. Un état libre de toute avidité, de toute construction, de tout attachement, en voyant et reconnaissant clairement la vacuité, la non-substantialité de toute chose.

Ce qui ne signifie pas que rien n’existe, mais que tout existe sans avoir de substance propre.

Alors à chaque instant, un pas après l’autre, la Voie est toujours sous nos pieds. Plus exactement, la Voie est ce que nous sommes, elle est moi, elle est vous et vous êtes la Voie, non séparés, ce qui a toujours été, ce qui est toujours.

C’est le Genjō Kōan2 de notre existence, c’est la pratique de la grande harmonie créatrice qui est la pratique vivante de la vie qui se vie à chaque instant.

Sur ce sujet, dans un de ses kusen Roland Yuno Rech dit :
“On peut pratiquer avec une foi, une confiance profonde et la pratique devient véritablement la chose absolue de notre vie, telle qu’elle est, à laquelle il ne manque rien. Cette pratique devient véritablement réalisation, c’est-à-dire une totale réconciliation avec soi-même. On cesse d’être divisé entre soi-même en train de vivre la vie présente et une attente d’autre chose, comme s’il n’était pas suffisant d’être totalement présent ici et maintenant.”

C’est à chacun de créer l’harmonie en soi et de la manifester. Ainsi on peut véritablement être chez soi partout, vivre chaque instant comme le bon moment et que chacune de nos actions soit la Voie réalisée. La vie sans séparation.

Notre vie, telle qu’elle est, est la vraie vie.

La Voie existe exactement sous nos pieds, toujours ici et maintenant.

Pascal-Olivier Kyōsei Reynaud
Narbonne, septembre 2023

  1. Source : L’art du koan Zen de Taikan Jyoji (Cas 6). ↩︎
  2. Genjō signifie “manifestation réelle et entière, sans rien de caché”. Kōan au début signifiait “Document officiel”, mai ensuite “vérité établie”. Pour Maître Dōgen la réalité telle qu’elle apparaît est éveil lui même. Genjō Kōan est le titre du premier paragraphe de la version du Shōbōgenzō en 75 paragraphes. ↩︎

Méditation Zen Narbonne

Méditation zen Narbonne est un lieu de pratique, d'enseignements et d'accompagnement à l'approfondissement de la Voie Bouddhiste Zen.

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