La méditation zen et la conscience

Changement ou non-changement de la conscience pendant la méditation

Dr. TOMIO HIRAI Extrait de « Psychophysiology of Zen » Igaku Shain TOKYO 1974

zen et pleine conscience

zen et pleine conscience

Nous avons étudié les électroencéphalogrammes de beaucoup de moines Zen et découvert que, lorsqu’ils sont en zazen, leurs ondes alpha deviennent plus abondantes et tendent à devenir plus lentes. Comme nous l’avons déjà mentionné, le ralentissement des ondes cérébrales ne s’effectue pas par l’effet d’une sorte de somnolence. Car, en fait, il n’y a pas de phénomène d’habitude des rythmes alpha aux stimulations soudaines. Or cette réaction immédiate aux stimuli n’est jamais observée dans un état de somnolence. L’appel de leur nom (et des stimulations verbales plus compliquées sont données aux moines Zen) montre exactement les mêmes résultats.

Ces découvertes ont été analysées en détail du point de vue neurophysiologique.

Ici, nous voudrions aborder le problème du changement ou du non-changement de la conscience pendant la méditation Zen, et s’il y a changement de quel type est-il ?

Avant les expériences des électroencéphalogrammes, ce problème fut souvent débattu par les étudiants du Zen qui se servait alors des termes empruntés à la philosophie ou à la religion. Ces arguments mènent à trop mettre l’accent sur la manière de penser orientale et d’autre part de rendre emphatique l’affirmation selon laquelle rien ne peut être dit sur le Zen excepté : cela est, un point c’est tout.

Même si la méditation Zen est d’essence religieuse et si le Zen est un enseignement non transmis par des paroles ou des écrits, il manifeste certainement des caractéristiques scientifiques qui se sont développées naturellement par l’effet d’une longue tradition d’exercice et par des réflexions dialectiques au sujet de l’éveil (satori).
Les moines Zen proclament volontiers qu’il n’y a aucune hypothèse de base à leur méditation.

Mais scientifiquement parlant, cette affirmation semble conditionnée par l’atmosphère bouddhique dans laquelle ils se trouvent et par la régularité de leur vie monastique qui les porte à un certain état d’esprit et qui enracine celui-ci plus profondément dans le psychisme que ne le ferait n’importe quelle activité de l’intellect.

La psychophysiologie moderne nous enseigne qu’un processus cérébral particulier, que nous pouvons identifier, est associé à un état subjectif particulier. Maintenant, nous avons une approche solide pour expliquer les possibilités de corrélation entre l’activité électrique du cerveau et l’introspection des expériences et de la conduite d’un sujet. Par conséquent nous pouvons nous demander quelle sorte de changement a lieu dans la conscience des moines Zen pendant leur méditation ; « pointer directement vers l’âme » est maintenant scientifiquement expliqué, sans mot ou lettre d’aucune sorte, par nos investigations. Comme nous l’avons dit plus haut, nous avons mis en relief le fait que les changements dans l’électroencéphalogramme pendant zazen indiquent une perception particulière qui n’est ni la perception ordinaire ni un état d’esprit hypnotique.

Nous avons appelé cette perception particulière « une vigilance détendue avec persistance de réceptivité », qui correspond au changement physiologique dans le cerveau.

Il a été enseigné depuis le temps anciens dans le Bouddhisme qu’il y a dans l’être humain plusieurs niveaux de conscience. Le niveau le plus élevé (ou le plus profond) est appelé Arayashiki, qui signifie conscience suprême, ou encore Réservoir de la conscience, selon la doctrine de l’école Yogacara, c’est là le fondement sur lequel repose la conscience humaine. Et à travers le samadhi – ou profonde concentration – cette conscience apparaît naturellement du plus intime de l’esprit, découvrant les distorsions, le monde des souffrances, le progrès personnel, la différence entre sujet et objet, et l’ego intellectuel. Elle peut être appelée un état empirique de l’esprit, tellement immergé qu’il n’y a plus de Je et de ça, mais une conscience d’existence pure. C’est la raison pour laquelle elle est appelée le fondement, la création de la conscience.

Si une généralisation est permise, laissez-moi dire que le « réservoir de conscience » semble être le secteur le plus profond de la vie psychique humaine. Dans l’état d’éveil courant, il est recouvert à la fois par le champ émotionnel et le champ intellectuel ou les activités mentales, et nous ne pouvons pas le concevoir.

Supposons qu’un état mental est associé avec une expérience particulière. Alors nous pouvons saisir instantanément la signification empirique de cette expérience subjective particulière. Dans ce processus mental, nous ne sommes pas aux prises avec le problème de l’utilité de la pensée logique. Mais cette sorte d’expérience n’est pas commune dans les activités quotidiennes et un tel état de conscience semble extrêmement rare. Un exemple typique peut être le processus par lequel une pensée créatrice vient à naître dans le cerveau d’un génie après un difficile combat sur un problème, ceci juste au moment où il abandonne son effort.

C’est d’une manière analogue, pensons-nous, que le réservoir de conscience apparaîtra au moment où les désirs inattendus, les complexes latents, les conflits subconscients et les ambitions refoulées seront éliminés de la vie consciente.

Inutile de dire que le réservoir de conscience est important dans la méditation Zen et que samadhi signifie concentration de l’esprit sur cette conscience profonde.

Chacun l’a en lui-même, en dépit du fait qu’il la réalise ou non, qu’il en ait un aperçu ou non.

Dans ce contexte, nous pouvons facilement comprendre le sens du Zen expliqué par leDr. Daisetsu Suzuki [1] (1949) dans la phrase suivante : « Nous pouvons dire que le Zen libère toutes les énergies exactement et naturellement emmagasinées en chacun de nous, bloquées dans les circonstances ordinaires et déformés au point qu’elles ne peuvent trouver un canal adéquat à leur activité. C’est ce que je désigne par liberté donnant libre jeu à tous les élans créateurs et bienveillants qui reposent dans notre cœur ».

Le réservoir de conscience est l’état préparatoire de l’esprit pour atteindre l’éveil ousatori. Il n’y a pas d’éveil, de satori, sans l’expérience de ce dépôt de conscience et le dépôt de conscience soutient vigoureusement l’expérience de l’éveil.

L’éveil n’est pas une expérience subjective mais une expérience ordinaire qui a sa base dans le réservoir de conscience.

Dr. TOMIO HIRAI Extrait de « Psychophysiology of Zen » Igaku Shain TOKYO 1974

Notes :
[1] Suzuki : « Introduction au Bouddhisme Zen »


 

Source : ZEN n° 21 – Publication AZI octobre 1977.

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