Le don, pratique vertueuse
Par P-O Kyosei Reynaud
La première paramita
Le don est présenté dans le bouddhisme comme la première des six paramita. Il s’agit des six vertus, des six perfections, des six pratiques vertueuses qui, menées à leurs perfections, permettent d’atteindre l’autre rive, de réaliser l’Eveil, l’état de Bouddha.
- Le don, la générosité, l’ouverture du cœur et de l’esprit,
- La vertu, l’éthique, l’intégrité,
- La patience, la tolérance, l’indulgence,
- L’énergie, l’effort, l’enthousiasme, l’endurance,
- La concentration, la méditation, l’attention, la vigilance,
- La sagesse, le discernement, la réalisation.
Elles sont les pratiques des Bodhisattva 1 qui leurs permettent de réaliser l’unité du samsara et du nirvana pour soutenir et aider toutes les existences à s’éveiller.
En tant que Bodhisattva, l’énergie de notre pratique est le don qui fait exister la voie et qui permet de la pratiquer ensemble. Venir au dojo 2 au lieu de rester chez soi est un don. On offre de son temps et de son énergie, on contribue à faire de ce lieu, le lieu de la pratique ensemble.
La Voie se pratique en donnant et en recevant, c’est comme une respiration, il y a l’inspiration, l’accueil, la réceptivité et il y a l’expiration, le lâcher-prise, le don, l’abandon. On participe ainsi à la respiration de l’univers.
Pour Maître Dōgen, donner c’est arrêter de convoiter, c’est abandonner notre avidité, notre désir d’obtenir. Être généreux c’est donner de son temps et de son énergie sans rien attendre en retour. C’est la pratique de la générosité désintéressée qui est sans attachements, sans attente et sans but.
Dans l’acte du don, le donateur, ce qui est donné et la personne qui reçoit sont un.
Dans le Shobogenzo Bodaisatta Shishobo, Maître Dōgen décrit les quatre pratiques du Bodhisattva. La première est le don. Le Bodhisattva ne garde rien pour lui-même et donne sa vie pour les autres.
Le don est libération
Pratiquer la méditation c’est être dépouillé de corps, de cœur et d’esprit, de nos désirs, de nos préférences et de nos attachements. Ce n’est pas une perte, un endommagement ou une mortification, mais l’occasion de réaliser intimement que tout est là, que tout nous est donné à chaque instant. Cela se réalise lorsque l’on est en unité avec notre vie de chaque instant. Alors on vit sans sentiment de manque, de perte ou d’abondance. On est dans la satisfaction de vivre en unité et en harmonie avec tout l’univers.
Maître Hyakujō disait que la paramita du don inclut toutes les autres pratiques. De même, la pratique de la méditation – dans l’immobilité ou dans l’action – avec l’esprit du don, du dépouillement de soi, inclut toutes les pratiques.
Si on pratique uniquement la méditation assise, sans pratiquer les paramita qui sont le prolongement de la méditation dans la vie quotidienne, notre pratique sera limitée, notre vie ne sera pas transformée par la méditation. Quand la méditation est placée à la source de notre vie, à chacune de nos actions, alors notre existence prend sa véritable dimension.
Chaque action est notre pratique et notre vie est pratique et partage de la Voie.
C’est ainsi que l’on peut durablement continuer la pratique et réaliser l’unité entre la méditation et le reste de sa vie, entre soi et les autres.
- Sattva, être, bodhi, éveil, est un terme sanskrit qui désigne dans le bouddhisme mahayana celui qui fait le vœu de suivre le chemin indiqué par le bouddha Shakyamuni, a pris le refuge auprès des trois joyaux (Bouddha, Dharma et Sangha) pour aider d’abord les autres êtres sensibles à s’éveiller, retardant sa propre libération par compassion. ↩︎
- Do, la Voie, l’ordre cosmique, Jo, le lieu. Dojo est un terme japonais qui désigne le lieu de la pratique de la Voie. ↩︎